Fillette et Mère, Essai de Pacôme Christian Kipré

Rentrée en sixième après les péripéties du CEPE et des orientations, nous avions débarqués dans un établissement d'accueil dit collège enseignement général de cette ville scolaire.

"Oboudou Siawé Marcelle". Avait prononcé ce professeur de maths aux mâchoires saillantes tels les machoirons du grand large aux abdomens bleutés par une longévité remarquable dans les eaux.

La jeune fille se leva et s'avança vers le tableau. C'était une fillette avec un corps de femme. C'était peu de le dire. Une poitrine plantureuse empruntée à celle de la Joconde. Des bras vigoureux telle une cultivatrice des champs de manioc. Un arrière plan fourni et rebondi dans une jupe à mi-genoux et qui valsait comme dans les châteaux de Vienne. Ses cheveux étaient courts et naturels... La gamine était innocente.

Il la mit à contribution pour résoudre l'exercice. Avec brio elle s'en sortit et regagna sa place sous les regards endiablés de l'adulte.

Quelques mois étaient passés. Nous étions en cours d'éducation physique. Siawé n'avait pas envie de sport ce jour-là. Le professeur insista. Elle devait courir avec la classe. Comme tous les autres. Aucune demi mesure pour elle. Surtout qu'elle n'avait pas de dispense.

Pataude comme un sac de patate elle s'exécuta. Ses seins autrefois si volumineux étaient devenus "trilumineux". Comme si elle avait honte, elle protégeait de ses mains dorénavant cet attribut féminin. Elle portait non pas le tee-shirt scolaire de l'établissement, mais une espèce de tunique que le professeur n'avait pas souligné. Elle n'eut pas fait dix pas, qu'elle tomba évanouie. Inconsciente et inanimée. Le professeur fut troublé. La panique s'installa sur ce grand terrain de sport qui regroupait autant de classe de différents collèges. Le professeur la prit par les deux bras et la porta au dispensaire. Les commentaires allaient bon train.

"Ca va pourrir on va sentir" disaient un groupe de filles.
"On dirait c'est un 3 fois 3 hein" avançait le plus comique des garçons de la classe à l'hilarité générale.
"Un 3 fois 3 de kpaquito" disait un élève et du surnom du prof en raison de ses mâchoires protubérantes.

Les commentaires et les rumeurs les plus folles couraient depuis belle lurette entre une relation du prof avec la gamine de 14 ans. Certains les avaient aperçu dans des pénombres, sous le fromager isolé non loin du collège. Souvent à la table d'un maquis, la gamine devant un énorme poisson cuit à la braise et lui sirotant une Bock fraîche. L'air de calculer la stratégie post-maquis. En se disant "prend des forces petite naïve. Pour ton jugement dernier tout à l'heure"... l'inconscience professionnelle et adulte en un seul homme. La délinquance des hommes. Cocktail luciferien et perfide. Le crime sexuel organisé... des hommes au cerveau phallique. D'autres encore avaient vu la jeune fille sortir de chez le professeur à des moments où son épouse était absente avec les enfants pour voyage familial. Le pagne noué autour de la taille.

La nouvelle était effective. La jeune fille était enceinte. Nous n'étions qu'au second trimestre. Les notes venaient de s'arrêter. Elle si brillante en classe devait encaisser une grossesse en milieu scolaire... foutue par un inconscient prof au chibre honteux. Le principal avait interdit les accès au collège à l'enseignant. Il avait disparu de l'environnement.

Ainsi donc, Siawé dût porter une grossesse et l'enfant de son prof de maths, lâche homme qui fit le choix de larguer les amarres.

Pacôme Kipré
Écrivain, Enseignant, Journaliste
Conseiller exécutif, chef de projet du Réseau Ivoire Pro Santé

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