#ParlonsGyneco - le déclenchement artificiel du travail



Votre gynéco a évoqué le déclenchement du travail ?
Vous souhaitez être déclenchée ou accoucher à une période précise pour des raisons personnelles ?
Cet article est pour vous !

Le but est de vous informer sur ce qu'est le déclenchement, afin de faciliter la discussion avec votre praticien, et vous permettre d'être actrice de votre prise en charge médicale.

La décision de déclenchement doit être le fruit d'une discussion entre le gynéco et sa patiente. Elle ne devrait en aucun cas être imposée, quelque soit le degré d'urgence. Le gynécologue doit présenter à la patiente les arguments qui motivent son choix et présenter les risques liés aux procédures du déclenchement.


De l'importance du calcul du terme !
Parce que le déclenchement n'est pas anodin, surtout à des termes précoces, il est impératif de s'assurer de l'exactitude du terme avant toute décision de déclenchement. Du fait de datations trop approximatives, d'innombrables grossesses sont déclenchées à tort, pour terme dépassé.
C'est le lieu de rappeler l'importance de la datation échographique de la grossesse. Une échographie réalisée entre 11 et 13 semaines d'aménorrhée - SA - (9 et 11 semaines de grossesse) permet de dater la grossesse à 5 jours près. La datation échographique est un outil objectif permettant de s'affranchir des oublis de la date des dernières règles.
Avant 39 SA, il existe un risque non négligeable, pour le bébé, de détresse respiratoire à la naissance et d'hospitalisation en néonatalogie. Ce risque est encore plus grand avant 37 SA et à celui-ci  s'ajoutent les risques liés à la prématurité. Une naissance est dite prématurée lorsqu'elle survient avant 37 SA (35 semaines de grossesse).


Le dépassement de terme
Une grossesse est censée durer 9 mois. En pratique, selon les équipes et les pays, une surveillance est instaurée entre 39 et 41 SA. L'idée est d'éviter de dépasser le seuil des 42 SA qui lui est associé à des complications importantes voire à la mort in-utéro.
Il est important d'instaurer en fin de grossesse une surveillance clinique et échographique de la grossesse, et de réaliser des enregistrements du rythme cardiaque foetal (monitoring) pour évaluer le bien-être foetal.


J'ai perdu les eaux !
Toute rupture des membranes, qu'on soit à terme ou non, doit conduire à une hospitalisation, du fait du risque d'infection materno-foetale. La poche amniotique assure un rôle de protection du foetus contre les infections. Une fois la poche rompue, le risque d'infection augmente à mesure que la durée d'exposition du foetus aux germes de la flore digestive et vaginale augmente.
A terme, la décision de déclenchement suite à une rupture des membranes se prend en fonction des déterminants suivants :
  • les conditions cliniques et bologiques
Suite à une rupture des membranes, la présence d'une fièvre maternelle, de signes évocateurs d'une infection, d'anomalies du rythme cardiaque foetale, d'un liquide teinté ou meconial, doit conduire à un déclenchement immédiat du travail.
  • présence de streptocoque B dans le vagin. (Le streptocoque B est une bactérie qui peut être présenté de façon intermittente au niveau du vagin. Sa présence doit être dépistée entre 34 et 38 SA, par prélèvement vaginal).
Si le streptocoque B est présent un déclenchement et une administration d'antibiotiques doivent être debutés rapidement.
  • la durée de la rupture.
Après 24h de rupture un déclenchement doit être discuté en fonction des conditions cliniques.


Je fais du diabète de grossesse !
Dans le cas d'un diabète gestationnel bien équilibré, ne nécessitant pas d'insuline et sans retentissement foetal (notamment au niveau du poids foetal) , il n y'a pas de raisons justifiant un déclenchement pour diabète gestationnel.
Par contre si le diabète est insuliné, mal équilibré avec de surcroît un retentissement foetal il est recommandé de ne pas dépasser 38 semaines et 6 jours.


Mon bébé est trop petit pour le terme !
A terme, un arrêt de la croissance foetale est une indication de déclenchement.
Avant terme, le gynécologue va confronter le risque de la prématurité à celui des conditions in-utéro et proposer en fonction un déclenchement au terme qui lui paraît optimal. Globalement avant 32-34 SA l'attitude est plutôt conservatrice et après 34 SA plutôt interventionniste. Au titre des éléments qui influencent la décision de déclenchement on retrouve :
  • Les anomalies du rythme cardiaque foetal;
  • L'infléchissement de la courbe ou l'arrêt de croissance;
  • Les anomalies de perfusion sanguine du foetus observées à l'échographie (anomalies des dopplers);
  • Une quantité insuffisante de liquide amniotique;
  • Des complications maternelles dont l'hypertension artérielle et la pré-éclampsie.


Je souffre d'hypertension de grossesse ! 
Je fais une pré-éclampsie !
L'hypertension artérielle maternelle qui n'est associée d'aucuns signes fonctionnels, de même qu'une proteinurie isolée ne doit pas conduire à un déclenchement. 
En cas de pré-éclampsie, le raisonnement intégre les même principes que lors d'un retard de croissance foetal, avec en plus des critères biologiques mesurés après analyse sanguine. A terme, le diagnostic de pré-éclampsie est une indication formelle de déclenchement.


J'attends des jumeaux ! 
Selon que ce soit de vrais jumeaux  (grossesse gémellaire monochoriale : 1 placenta, 2 poches) ou de faux jumeaux (grossesse gemellaire bichoriale : 2 placenta, 2 poches), votre gynécologue vous proposera un déclenchement plus ou moins tôt. S'il est vrai que les grossesses gemellaires posent plus souvent le problème de la prématurité, il clairement établi qu'après 39 semaines la mortalité périnatale est augmentée.


J'ai accouché très vite (en moins de 2h) de mon premier enfant !
Un antécédent d'accouchement rapide peut être une indication de déclenchement après 39 SA.


J'ai eu une césarienne pour mon premier accouchement ! 
J'ai déjà eu une césarienne lors de mes  précédents accouchements ! 
J'ai déjà été opéré de fibromes !
L'accouchement par voie basse après une césarienne est possible, à condition de satisfaire à un certain nombre de critères de surveillance. Le risque majeur ici c'est là rupture utérine (déchirement de l'utérus à partir de la cicatrice). Ce risque est diminué lorsque le segment inférieur de l'utérus est supérieur à 3.5 mm à l'échographie, si la grossesse (et non l'accouchement) survient au moins 12 à 18 mois après la césarienne et si les prostaglandines (Mifépristone, Misoprostol...) sont évités pour le déclenchement.


Je suis une grande multipare  (j'ai déjà accouché 3 fois)
Le déclenchement chez une grande multipare est possible mais il est important d'utiliser avec précaution les médicaments servant au déclenchement.
Après 3 accouchement, les prostaglandines ne devraient pas être utilisés.
Après 5 accouchement, l'utilisation de l'ocytocine est associée à une augmentation des ruptures utérines.


Je souhaite être déclenchée pour des raisons personnelles non médicales
Le déclenchement du travail pour des raisons non médicales n'est pas anodin. Raison pour laquelle il est indispensable de permettre une discussion et une information éclairées de la patiente.
Il y'a tout d'abord le risque d'échec de déclenchement, c'est-à-dire de césarienne et tous les risques opératoires, infectieux, anesthésiques inhérents à la césarienne.
Ensuite le déclenchement est associé à un peu plus de morbidité périnatale que l'accouchement spontanée.
Toutefois lorsqu'une pathologie présente un risque pour la mère et l'enfant supérieur au risque théorique du déclenchement, l'indication du déclenchement est parfaitement légitime.
En somme, un déclenchement pour raison non médicales est moins à risque s'il est pratiqué :

  • après 39 SA
  • sur un utérus non cicatriciel (pas d'antécédents de césarienne ou de chirurgie utérine)
  • sur un col favorable



J'ai plus de 40 ans !
Plusieurs études médicales récentes tendent à prouver qu'après 40 ans, la morbidité périnatale serait augmentée en fin de grossesse. Certaines équipes, notamment suisses, déclenchent les mère de plus de 40 ans à partir de 39 SA.



Les raisons du déclenchement sont innombrables. La règle fondamentale c'est qu'il n’y a pas de règle et que chaque déclenchement doit être discuté et étudie au cas par cas à la lumière des connaissances médicales établies.
Il est important de prendre en compte le choix de la mère et d'inclure dans la réflexion. Une information claire, précise et éclairée doit lui être fournie. C'est un droit fondamental.
Les modalités du déclenchement quant à elles varient en fonction des pays et des équipes. Cette question fera l'objet d'un prochain article.


#AuServiceDeLaVie

Jean-Charles WOGNIN
Sage-femme

---
Inspiré des recommandations de l'HAS de 2008

Commentaires